Nous voilà le 21 décembre, à l'ancre vers l'île Union Island dans les Grenadines. Dehors le vent gronde malgré la chaleur. Le projet est de lever l'ancre dans la soirée pour rejoindre l'île de Saint-Vincent de nuit, et plus précisément le port Wallilabou. Le nom ne vous dit peut être rien, mais le port a servi comme décor pour le film Pirates des Caraïbes. Pour se mettre dans l'ambiance, on se regarde le film avant de partir. 23h tapantes, peu motivés, nous voilà naviguant entre les récifs de coraux pour sortir de la baie. Le vent souffle à 30/40 nœuds de face, avec des rafales dépassant les 60 (nous n'avions jamais vu ça ! ): la nuit s'annonce sportive. A peine une heure s'est écoulée, on réduit les voiles au maximum, et là on entend "pang"! A la lueur de la torche on cherche l'origine de ce bruit peu rassurant: un hauban (câble métallique reliant le mat au bateau évitant au mat de casser sous la force des éléments) a cédé ! Il en reste encore 2 mais tout de même, cela ne présage rien de bon pour la nuit à venir... faire demi tour ne sert à rien, car l'île d'Union est trop petite pour changer le hauban. On décide de continuer au moteur et à la grande voile réduite au maximum jusqu'à Saint-Vincent, à 40 milles de distance.Cette nuit là fait partie d'une des pires nuits de la traversée. Vent de face, houle croisée, violentes rafales, on n'avance pas et les déferlantes infiltrent de l'eau partout. Plein de termes techniques se résumant à un mot : c'est la galère ! Notre couchette est trempée, et chaque vague nous envoi valser dans notre cabine étroite, mieux vaut encore somnoler dehors à l'air frais. On ne prend aucun plaisir, Vincent vomit pour la première fois de la pizza et ça lui fait vraiment mal au coeur... Maartje essaie de ne pas penser à l'otite qui la torture depuis une semaine, et l'inquiétude par rapport à l’hauban ne nous a pas quittée...

La sentence est tombée : après 2 mois de voyage idylliques nous avions notre premier coup de mou et on s'est demandé "pourquoi on s'inflige ça ?!". Notre projet initial était de traverser également l'océan Pacifique à la voile pour rejoindre l'Australie. Mais Vincent avait sa dose de petits voiliers rustiques, du manque de place ; les longues journées et nuits inclinées sur l’eau ne sont pas "son truc". En plus, nos recherches pour trouver un bateau restaient sans succès, la bonne période commençant à partir de mars, tous voulaient prendre plus de temps pour la traversée, ce qui nous bloquerait au niveau de notre visa pour l'Australie. Et en observant l'océan Pacifique sur le globe, nous avons réalisé qu'il occupait la moitié de la planète… l'océan Atlantique ressemble à un petit lac à côté!

Durant ces heures sombres, chacun de notre côté les mêmes pensées ont germé. Nous avions déjà vécu une sacré belle aventure avec la transatlantique, c'était un beau défi de relevé. Nous n’avons rien à prouver, les maîtres-mots sont « se faire plaisir », vivre nos rêves, profiter à fond de ces deux années… alors pourquoi passer des semaines entières à affronter l'océan si cela ne nous rend pas fous de joie tous les deux ? Pendant ce temps là nous pourrions visiter d’autres pays ! Notre but était de voyager en prenant le temps, mais notre soif de découverte l'a emporté. On vous en dira plus prochainement... Déjà, allons fêter Noël au soleil!